Comment les placements de produits des influenceurs flirtent-ils parfois avec l’illégalité ?

20 août 2021

Comment les placements de produits des influenceurs flirtent-ils parfois avec l’illégalité ?

En 2020, il est possible de dénombrer plus de 4,60 milliards d’internautes à l’échelle mondiale dont 4,2 sont actifs sur les réseaux sociaux. En France, c’est près de 59 millions d’internautes. Les réseaux sociaux, terrains de jeu de prédilection des influenceurs, pourraient être assimilés à un immense « café du commerce » où la publicité cachée prolifère. Ces derniers ne peuvent se soustraire aux règles prônant une publicité loyale, sincère et responsable.

Le piège de la pratique commerciale trompeuse

Entre la publicité, les placements de produits et la pratique commerciale trompeuse, il n’y a qu’un pas ! L’influenceur est défini par l’ARPP comme « un individu exprimant un point de vue ou donnant des conseils, dans un domaine spécifique et selon un style ou un traitement qui lui sont propres et que son audience identifie ». 

Comme le précise, l’article 20 de la Loi LCEN :« toute publicité, sous quelque forme que ce soit, accessible par un service de communication au public en ligne, doit pouvoir être clairement identifiée comme telle. Elle doit rendre clairement identifiable la personne physique ou morale pour le compte de laquelle elle est réalisée ». L’ARPP souligne que si une collaboration commerciale avec une marque est bel et bien identifiée, il sera nécessaire de partager cette information avec les internautes. Cette information doit être partagée de manière explicite et spontanée.

L’influence exercée de manière occulte peut tomber sous le coup de dispositions des articles L. 121-4, 11° et L.121-4 21° du Code de la consommation. Sont réputées trompeuses en tant que telles les pratiques qui consistent  : 

  • « un contenu rédactionnel dans les médias pour faire la promotion d’un produit ou d’un service alors que le professionnel a financé celle-ci lui-même, sans l’indiquer clairement dans le contenu ou à l’aide d’images ou de sons clairement identifiables par le consommateur ; » 
  • « de faussement affirmer ou donner l’impression que le professionnel n’agit pas à des fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, ou se présenter faussement comme un consommateur. »

L’infraction de pratique commerciale trompeuse est constituée dès lors que la publicité est faite, reçue, ou perçue en France. Rappelons que cette pratique déloyale et anti-concurrentielle peut être sanctionnée de multiples manières : 

  • Sur le plan pénal 
  • La responsabilité pénale de l’annonceur pour lequel la publicité a été annoncée peut être engagée, et dans le cas des personnes morales, ce sont les dirigeants qui sont tenus pour responsables ;
  • La peine maximale prévue est de deux ans d’emprisonnement et de 300000 euros d’amende pour les personnes physiques, et 1500000 pour les personnes morales (C. com., art. L. 132-2).
  • Sur le plan civil 
  • Il est possible d’intenter une action en réparation sur le plan civil, par le paiement de dommages et intérêts dans le cadre d’une action en concurrence déloyale (C. Civ., art. 1240). 

Nabilla dans le viseur de la DGCCRF

Dès 2016, la DGCCRF a décidé de se pencher sur le cas des YouTubeurs. L’enquête avait été annoncée en décembre 2015 et des sanctions avaient été évoquées pour les créateurs de contenu qui sont payés pour parler de produits sans mentionner explicitement la relation commerciale. 

L’histoire contée commence le 8 janvier 2018, Nabilla Benattia Veraga vantait les mérites du bitcoin par le biais d’une promotion concernant des services de formation en trading sur son compte snapchat. Sans plus tarder, l’influenceuse se fait reprendre par l’Autorité des marchés financiers (AMF) qui tweetait « #Nabilla Le #Bitcoin c’est très risqué ! On peut perdre toute sa mise. Pas de placement miracle. Restez à l’écart. ». Il est possible de penser qu’à la suite de ce tweet, l’histoire soit close. Ce n’est pas le cas. Un nouveau chapitre s’est ouvert le 28 juillet dernier par l’intermédiaire d’un communiqué de presse la DGCCRF annonçant le paiement d’une amende transactionnelle de 20 000 € pour pratiques commerciales trompeuses sur les réseaux sociaux par l’influenceuse. À la suite de ce communiqué, Nabilla s’est exprimée : « Être influenceur est un vrai métier. Comme tous les métiers, ça doit être cadré et réglementé. » La volonté des influenceurs de voir leur profession réglementée est aujourd’hui actée. L’influence n’est pas un espace de non droit, même s’il s’agirait de réglementer davantage le sujet. En effet, les pratiques de l’activité des influenceurs sont encadrées par le droit de la consommation dès lors qu’elles revêtent un caractère publicitaire. 

Des placements de produits qui flirtent avec les interdits 

Les placements de produits ne peuvent avoir lieu en toutes circonstances : ils sont prohibés dans les programmes destinés aux enfants afin de les protéger. En outre, certains produits ne peuvent faire l’objet de placement :  Les produits du tabac ;  Les boissons alcooliques ; Les médicaments (qu’ils soient accessibles seulement sur prescription médicale ou non) ; Les armes à feu ; Les préparations pour nourrissons.

Egalement, s’ajoutent à ces interdictions les pratiques illicites : la promotion de stupéfiants, la délivrance de faux papiers d’identité ou encore, dernièrement, de faux tests de dépistage de la COVID-19.

  • Un candidat de télé-réalité avait fait la promotion d’un revendeur de cannabis sur Snapchat, alors que les produits proposés étaient à base de THC, un composant prohibé sur le sol français ; 
  • Egalement, certains font la promotion de « bons plans » qui permettent d’obtenir des cartes handicapés, des arrêts maladie ou encore de faire annuler les amendes ;
  • Depuis quelques années également, pullulent sur la toile des placements de produits pour la délivrance de faux-papiers (tels que des cartes d’identité) ou encore du code de la route ou de documents permettant la récupération de points sur le permis de conduire ; 
  • Depuis la pandémie de la COVID-19, s’est développé un commerce de faux tests positifs ou négatifs selon l’utilisation souhaitée et de faux passes sanitaires.

Et tout ça moyennant rémunération ! Ces pratiques illégales ne peuvent bien sûr faire l’objet d’un placement de produit.

Tribunaux médiatiques (dropshipping) !!! 

Si la réglementation n’est pas encore établie, les placements de produits sont soumis à une certaine éthique qui ne manque pas de faire bondir le public lorsque les pratiques frisent avec l’immoralité. En effet, depuis quelques années, ont émergé des sortes de tribunaux médiatiques, qui peuvent parfois avoir un impact bien plus important que les juridictions. En effet, une image médiatique ternie peut marquer la fin d’une carrière. Les placements de produits ont alors tout intérêt à se conformer à la réglementation en vigueur, mais également à une certaine morale pour éviter les répercussions. Cela a d’ailleurs été notable lors des scandales concernant le dropshipping, légal en principe mais qui n’est pas bien reçue par la majorité des consommateurs pour autant…

Affaire à suivre…

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