La corruption est une notion qui prend davantage de place dans notre société et dans le débat public. Dans un podcast accordé à l’émission Intelligence Economique sur France 24, Jan DUNIN-WASOWICZ , avocat et co-auteur de « The Transnationalization of Anti-Corruption Law », souligne l’importance d’une coopération internationale dans la lutte contre la corruption.
À cet égard, la pandémie de la Covid-19 a selon Me DUNIN-WASOWICZ, augmenté le risque de corruption notamment avec les fonds publics qui ont été débloqués dans l’urgence afin de répondre à des plans de sauvetage et de relances passant au crible des mesures de contrôles.
En revanche, qu’est-ce que la corruption internationale ? À la différence de la corruption nationale, la corruption internationale est un acte de corruption entre des personnes physiques ou morales extraterritoriale, c’est-à-dire appartenant à des pays différents. Sur le plan européen, l’article 2 de la Convention civile sur la corruption du Conseil de l’Europe vient définir la corruption comme « le fait de solliciter, d’offrir, de donner ou d’accepter, directement ou indirectement, une commission illicite, ou un autre avantage indu qui affecte l’exercice normal d’une fonction ou le comportement requis du bénéficiaire de la commission illicite, ou de l’avantage indu ou de la promesse d’un tel avantage indu ».
La notion de corruption comprend en règle générale une corruption active et passive. Afin de faciliter sa compréhension, l’ONG Transparency International l’a schématisé comme ci-dessous :
La lutte contre la corruption est devenue une problématique internationale majeure, de nombreuses instances internationales de lutte contre la corruption ont vu le jour (I). Dès lors, pour mesurer l’efficacité des dispositions anti-corruption, il sera opportun de s’intéresser aux politiques nationales de lutte contre la corruption (II).
I. Les instances internationales de lutte contre la corruption
Afin de lutter contre la corruption internationale, il est important que les Etats apportent leur contribution. Dès lors, une lutte contre la corruption internationale ne pourra être rendue possible que si un Etat a signé au moins l’une des conventions internationales anti-corruption telle que la Convention sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales de l’OCDE ou la Convention des Nations Unies contre la corruption.
Ces deux conventions ont leur importance. Concernant la convention développée sous l’égide des Nations Unies, elle est sur la scène internationale, la convention la plus ratifiée en la matière avec 187 pays adhérants. Par ailleurs, ladite convention a comme objectif de prévenir et de lutter contre la corruption dans le respect des dispositions juridiques internes. En d’autres termes, cela incombe à l’Etat parti à la convention de développer sa législation interne.
La Convention de l’OCDE quant à elle, a une plus grande influence puisqu’elle a la particularité d’avoir un dispositif d’évaluation permettant de vérifier la mise en œuvre par les Etats parties de la Convention.
- L’ONU :
L’ONU est un acteur incontournable dans la lutte contre la corruption par l’intermédiaire de l’UNODC (United Nations Office on Drugs and Crime). Toutefois, cette instance internationale gagne en importance depuis l’entrée en vigueur en 2005 de la Convention contre la corruption (CNUCC).
L’entrée en vigueur de la CNUCC a la particularité d’être l’un des premiers instruments juridiques internationaux contraignant destiné à lutter contre la corruption. Le but étant d’unifier et de coordonner les actions des Etats parties à la convention pour lutter contre ce phénomène. Par ailleurs, la volonté internationale commune des Etats dans la lutte contre la corruption instaure un sentiment de concurrence entre les pays dans la politique menée contre celle-ci.
Dans le cadre de son fonctionnement, la CNUCC exige des Etats signataires d’élaborer des standards internationaux afin de les transposer dans leurs législations nationales. Ladite convention « définit ainsi les principes nécessaires à l’élaboration des codes de conduite ou à la cartographie des risques, considérée par l’UNODC en 2013 comme indispensable à la lutte contre la corruption ». De plus, l’importance de la CNUCC réside en son article 12 puisqu’elle est l’une des rares conventions internationales à vouloir lutter contre la corruption également en prenant en compte le secteur privé.
- L’OCDE :
L’OCDE s’est intéressée à la lutte contre la corruption internationale depuis 1999, à l’occasion de l’entrée en vigueur de la Convention sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers.
La Convention de l’OCDE a pour but de lutter contre la corruption portant sur les transactions commerciales internationales. De plus, les principes directeurs de l’OCDE comportent un Code de conduite destiné au secteur privé à savoir pour les gouvernements et les entreprises multinationales.
- Le Conseil de l’Europe :
Le Conseil de l’Europe exerce un rôle majeur dans la lutte contre la corruption internationale notamment à travers l’adoption des 20 principes directeurs. Ces principes directeurs sont accompagnés par la mise en place en 1999 du Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO) regroupant 49 Etats européens.
Les actions du Conseil de l’Europe reposent sur 3 réglementions :
- La Convention pénale sur la corruption : adoptée en 2002, cette convention permet de déterminer les actes susceptibles de caractériser les infractions pénales de corruption et son régime répressif.
- La Convention civile sur la corruption : entrée en vigueur en 2003, ladite convention est un texte international portant sur les aspects civils de la corruption. Son utilité est de permettre aux victimes d’actes de corruption de prétendre à des réparations au préjudice subi et d’incriminer le ou les responsables.
- À travers une décision cadre de 2002, le Conseil de l’Europe érige en infraction pénale la corruption active et passive commise par des personnes physiques ou morales du secteur privé.
Après avoir étudié les instances internationales de lutte contre la corruption, il serait opportun de découvrir les politiques nationales de lutte contre la corruption.
II. Les politiques nationales de lutte contre la corruption
À travers les politiques nationales de lutte contre la corruption, il conviendra d’étudier le cas de la France, des Etats-Unis et de la Chine.
- La France :
Selon le classement mondial de lutte contre la corruption réalisé par Transparency International, les pays du continent européen sont perçus comme des meilleurs élèves en termes de lutte contre la corruption. Bien que les pays scandinaves tels que le Danemark, la Finlande occupent le podium, la France quant à elle, se hisse à la 23e place des 180 pays du classement.
Le régime juridique de la corruption est différent selon sa nature puisque la France distingue la corruption publique, la corruption d’agent public étranger et la corruption privée. Pour ces différents types de corruptions, la répression est différente selon la corruption commise :
La lutte contre la corruption s’est accélérée en France suite au scandale de « l’affaire Cahuzac », occasionnant l’instauration en 2014 de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP). Deux ans plus tard, soit en 2016, la loi dite Sapin II a été promulguée.
La promulgation de la loi Sapin II, place la France comme étant l’un des Etats les plus impliqués dans la lutte contre la corruption. Néanmoins, il est à rappeler que le rapport 2020 du GRECO évoque le manque de transparence des relations entre les responsables publics et les groupes d’intérêts.
- Les Etats-Unis :
Les Etats-Unis sont historiquement l’un des pays précurseur dans la lutte contre la corruption avec le Royaume-Uni. Très tôt, les Etats-Unis ont légiféré en 1977 sur la lutte contre la corruption par le « Foreign Corrupt Practice Act » (FCPA Act) destiné essentiellement à l’entreprise de défense américaine Lockheed.
Pour comprendre les origines des législations en matière de lutte contre la corruption, il faut garder à l’esprit que « les actes de corruption mis en cause n’étaient pas jusqu’ici illégaux ». C’est grâce à une enquête de la Securities and Exchange Commission (SEC) que sa répression a été alors envisagée.
Ainsi, la FCPA a permis d’ériger la corruption en une infraction criminelle. Modifiée en 1988 puis en 1998, la FCPA est devenue pour la 1e puissance mondiale comme « une véritable arme de guerre économique ». De plus, il convient de préciser que l’application extraterritoriale des lois anti-corruption des autorités américaines a pour effet de s’imputer dans la grande majorité des banquiers à travers le monde.
- La Chine :
Paradoxalement à l’augmentation de sa croissance économique, la Chine connaît néanmoins une montée en puissance de la corruption. Lorsque Xi Jinping est passé à la tête du pays, la lutte contre la corruption a été l’une de ses principales priorités.
Dans le cadre de la lutte contre la corruption, la Chine a instauré en 2018 une Commission nationale de supervision chargée de la lutte contre la corruption. La particularité de cette commission de rang exécutif, est qu’elle est supérieure non seulement au Parquet mais aussi au tribunal Suprême. De ce fait, cette commission a le pouvoir de mener une enquête sur les personnes issues du secteur public. Ce pouvoir est également renforcé par un pouvoir de sanction de détention.
Enfin, la lutte contre la corruption internationale peut être permise avec par le biais d’une réelle coordination internationale et d’une unification des législations nationales. Au regard de l’indice de perception de la corruption, il est flagrant de constater que le taux de corruption reste très élevé dans les pays sous-développés.