Canulars téléphoniques : quand la série Squid Game doit respecter les règles du jeu !

1 décembre 2021

Canulars téléphoniques : quand la série Squid Game doit respecter les règles du jeu !

La série sud-coréenne Squid Game, sortie le 17 septembre 2021 est le nouveau succès planétaire de Netflix. Mélange de violences extrêmes, dénonciations d’inégalités économiques et sociales, décors futuristes, accumulations de jeux d’enfants sordides et de mystères…la série a suscité l’engouement et la fascination de 142 millions de foyers, mais a également déferlé la chronique. En effet, outre les débats relatifs à son influence négative sur les enfants, Squid Game a récemment été à l’origine d’une série de canulars téléphonique, suite à la divulgation d’un numéro de téléphone non-fictif sur les écrans. Dans quel contexte ce numéro de téléphone a-t-il été diffusé ? Comment le droit pénal français aurait-il qualifié ces atteintes ? Des risques de poursuite au titre d’une violation des données personnelles sont-ils à craindre pour la plateforme Netflix et/ou la société de production coréenne ?

D’une simple carte de visite à une série de canulars téléphoniques

Squid Game met en scène 456 Coréens endettés qui acceptent de participer à un jeu de survie à l’issu duquel, le gagnant empochera la somme de 45,6 Milliards de wons, soit l’équivalent de 32 Millions d’euros.  Les candidats du jeu sont recrutés à l’aide d’une carte de visite laissant apparaître clairement un numéro de téléphone à huit chiffres. Cependant, ne se doutant probablement pas de l’engouement mondial que susciterait la série, et dans le but de rendre l’histoire plus réelle, les scénaristes ont fait le choix d’afficher un véritable numéro de téléphone appartenant bel et bien à un sud-coréen et non à un personnage fictif.

L’heureux élu n’est autre qu’une homme d’affaire sud-coréen habitant dans la province de Gyeonggi, dans le nord du pays. Interrogé par la chaîne coréenne MBC, ce dernier affirme vivre un véritable calvaire et un harcèlement téléphonique depuis la sortie de la série.  Il reçoit en effet 4000 appels par jour, une centaines de photos, et SMS jours et nuits. A l’autre bout du combiné, des voix d’enfants lui disant « vouloir participer au jeu ».

Loin de s’imaginer que son numéro de téléphone avait été diffusé par le géant du streaming, ce dernier pensait avoir affaire à des appels indésirables ou des spams. Ce n’est que lorsqu’il s’est aperçu que son numéro apparaissait dans la série à succès, qu’il a pris conscience qu’il était bien la cible d’un canular téléphonique.

Par ailleurs, il ne pouvait pas changer de numéro de téléphone car il s’agissait d’une ligne professionnelle utilisée depuis 10 ans, liée à l’activité de son entreprise. Sa ligne professionnelle était donc encombrée et parasitée d’appels futiles incessants, perturbant ainsi l’exercice serein de son activité.

De plus, le canular téléphonique s’est répandu et a atteint d’autres Sud-Coréens. Ce fut notamment le cas d’Hanna Kim, une employée de bureau à Séoul dont le numéro de téléphone diffère seulement de deux chiffres par rapport à cellui de la série…une subtilité qui n’est pas passé entre les mailles du filet. 

Cependant, Netflix et Siren Pictures (la société de production) ont répondu aux victimes de canulars qu’ils ne recevraient aucune compensation financière pour ce désagrément.

Appels téléphoniques incessants et insultants : une infraction réprimée en France

Pourtant, en France, ces canulars téléphoniques, loin de constituer de simples « désagréments », sont au contraire réprimés par le Code Pénal. En effet, ils sont rangés dans la catégorie des « Atteintes volontaires à l’intégrité physique ou psychique de la personne ». Par ailleurs, l’article 222-16 du Code pénal, dispose dans son premier alinéa que : « Les appels téléphoniques malveillants réitérés, les envois réitérés de messages malveillants émis par la voie des communications électroniques ou les agressions sonores en vue de troubler la tranquillité d’autrui sont punis d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ». Les juges français estiment qu’un seuil de trois appels en vingt-quatre heure, ou que la prolifération de menaces, suffisent à caractériser un canular téléphonique. D’ailleurs en 2018 le Conseil d’Etat [1] a donné raison au CSA, lorsque ce dernier a caractérisé de canular téléphonique une séquence « d’environ dix minutes » de l’émission radio « C’Cauet ».

Cependant, les coréens victimes de ces appels n’ont pas pu remonter directement aux auteurs, ainsi, la plateforme Netflix a dû intervenir pour traiter le problème en aval et éviter toute tentative de réitération.

Le numéro de téléphone retiré des écrans et réduit à six chiffres

La société Siren Production était entrée en négociation avec le propriétaire du numéro pour résoudre amiablement le problème et éviter un autre scandale.

Finalement, Netflix, géant mondial du streaming affirmait dans un communiqué, travailler et collaborer avec la société de production pour “résoudre ce problème, notamment en modifiant les scènes comportant des numéros de téléphone si nécessaire“. La plateforme a également sollicité la bienveillance des fans de la série en leur demandant de cesser et de ne pas se prêter à ces canulars.

Netflix a finalement supprimé les plans d’images sur lesquels apparaissait ce fameux numéro, pour assurer la tranquillité d’esprit des victimes. Désormais le numéro à huit chiffres diffusé dans les deux premiers épisodes est effectivement remplacé par une version à six chiffres.

Quid des risques de poursuites pour violation de la protection des données personnelles ?

La question se pose en raison de l’essor des nouvelles règles d’utilisation et de diffusion des données personnelles. De plus, la Corée du Sud s’est inscrite dans cette tendance, en rejoignant un système de protection de données privées, nommé : le système CBPR (Cross-Border Privacy Rules).

Le numéro de téléphone constitue bel et bien une donnée personnelle, puisqu’il permet d’identifier une personne. Ainsi, la divulgation en l’absence du consentement du propriétaire de cette donnée par Netflix et la société de production n’est pas à l’abris d’être qualifiée d’atteinte à la protection des données personnelles.

Par ailleurs, la Corée du Sud a déjà poursuivi un autre géant américain pour violation de la protection des données personnelles. En effet en 2018 Facebook avait été condamné par la Corée du Sud à une amende de 6.7 Milliards de wons, pour avoir partagé entre mai 2012 et juin 2018 les données d’au moins 3,3 Millions d’utilisateurs sud-coréens sans leur consentement. La Commission de protection des informations personnelles avait donc porté plainte contre Facebook pour violation des lois locales sur la protection des données personnelles.

Ainsi pour se prémunir de tout contentieux, les producteurs et les plateformes de streaming devront être plus prudents à l’avenir et respecter les règles du jeu de la confidentialité !

[1] Conseil d’État – 5ème et 6ème chambres réunies, 15 octobre 2018 / n° 417271

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