Blanchiment d’argent : affaire Carlos Ghosn

19 mai 2021

« Maximiser le profit est l’unique raison d’être d’une entreprise », Carlos Ghosn.

L’affaire de blanchiment d’argent de Carlos Ghosn a déffrayé la chronique (I) mais elle a également soulevé l’importance de la cellule française de lutte anti-blanchiment nommée Tracfin (II).

I. L’affaire Carlos Ghosn

Dans l’affaire de blanchiment d’argent de Carlos Ghosn, les investigations portaient essentiellement sur des versements suspects vers Oman. Les flux financiers entre Renault et la société omanaise, baptisée SBA, ont été examinés dès février 2019. Les premiers soupçons sont apparus lors de l’enquête menée en interne chez Renault, peu après l’arrestation de Carlos Ghosn en novembre 2018.

Ces investigations « ont permis de caractériser la vraisemblance des infractions », fait savoir le parquet de Nanterre, ce qui a motivé l’ouverture d’une information judiciaire.

Cette information judiciaire vise des faits présumés de « blanchiment aggravé d’abus de biens sociaux, abus de biens sociaux aggravés, abus de confiance aggravés, recel de ces infractions, faux et usage de faux, et d’abus de confiance aggravés ». Le parquet précise dans un communiqué transmis qu’il s’agit de « faits commis entre 2009 et 2020 ».

Celle-ci a été confiée à plusieurs juges d’instruction du pôle économique et financier de Nanterre et doit « permettre la poursuite des investigations nécessaires en particulier à l’étranger », appuie le parquet.

Sollicité, l’avocat de Carlos Ghosn, Maître Jean-Yves Le Borgne, avait mentionné « Cette information judiciaire offre la possibilité à Carlos Ghosn de se défendre à armes égales. Ce qu’il n’avait pas la possibilité de faire jusqu’à maintenant, entre les Japonais qui refusent de fournir les documents, et les Français, en l’occurrence Renault, qui parlent d’un audit dont on ne connaît rien.”

Suite à la prise en main de cette affaire par le Parquet, avait été relevé des prestations événementielles douteuses dont auraient bénéficié l’ancien patron de Renault, dont deux soirées organisées au Château de Versailles.

Les investigations du parquet de Nanterre sur ce point, avaient débuté après un signalement de la direction de Renault en février 2019, suite à l’organisation du mariage de Carlos Ghosn avec son épouse Carole, au château de Versailles en octobre 2016. Il n’aurait rien versé pour la location du château, ainsi que pour la soirée au Grand Trianon, qui aurait coûté 50 000 €. Cela serait dû à une convention de mécénat signée entre Renault et l’établissement public qui gère le château de Versailles.

Le parquait avait dans son développement relevé des versements suspects de Renault vers une entreprise basée à Oman. L’argent aurait fini par être investi dans les affaires du fils de Carlos Ghosn et dans divers biens, dont un yacht, qui auraient profité à la famille Ghosn, on parle ici de plusieurs millions d’euros.

II. Rôle de Tracfin, cellule française de lutte anti-blanchiment

Quelles sont les missions de Tracfin ?

Tracfin n’est ni un service de police ni un service judiciaire, il n’est donc pas chargé de poursuivre les auteurs du blanchiment d’argent. Tracfin est en réalité un service administratif de traitement du renseignement financier qui dispose d’une large autonomie et d’une indépendance opérationnelle pour mener à bien ses missions.

Le service a pour mission de recueillir, analyser et exploiter tout renseignement propre à établir l’origine ou la destination des sommes remises en question. Il cherche aussi à déterminer la nature des opérations ayant fait l’objet d’une déclaration de soupçon ou d’une information reçue par diverses sources.

Lorsque ses investigations mettent en évidence des faits susceptibles de relever du blanchiment d’argent, Tracfin saisit le procureur de la République par une note d’information. Celui-ci est également informé lorsque les investigations conduisent à mettre en évidence un crime ou un délit.      

Quels sont les pouvoirs d’investigation de Tracfin ?

Pour accomplir ses missions, Tracfin dispose de prérogatives spécifiques.

Le service a notamment :

• Un accès direct à de nombreuses sources de données publiques ou confidentielles ;

• Un droit de communication à l’égard de tout professionnel assujetti au dispositif, pour demander, en fixant un délai, des pièces et documents relatifs à une opération, éventuellement en se rendant sur place ;

• Echanger directement des informations financières avec ses homologues étrangers des cellules de renseignement financiers (CRF) sous réserve du principe de réciprocité et du respect de la confidentialité des données communiquées ;

• Enfin, Tracfin possède un droit d’opposition à l’exécution de l’opération déclarée pendant une durée maximale de 2 jours ouvrables à compter de la date de réception de la déclaration pour notifier son opposition à l’auteur de la déclaration. Le service peut demander au Président de tribunal de grande instance de Paris de proroger la durée du blocage ou d’ordonner la séquestre provisoire des fonds, titres ou comptes concernés par la déclaration afin que le gel des avoirs s’effectue dans le cadre judiciaire.

Tracfin peut-il communiquer des éléments concernant des affaires en cours ?

Les informations recueillies par Tracfin dans le cadre de ses missions de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme sont confidentielles et protégées par le secret professionnel. Leur divulgation est strictement encadrée par la loi et tout manquement est sanctionné pénalement (article 226-13 du code pénal). Tracfin ne communique donc aucune information sur des affaires, qu’elles soient ou non traitées par le Service.

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