Si vous êtes propriétaire d’un fonds enclavé, c’est-à-dire qui n’offre que peu ou pas d’accès à la voie publique, vous pouvez à demander au propriétaire du fonds voisin un droit de passage sur sa propriété afin de vous faciliter l’accès à la vôtre. C’est ce que révèle l’article 682 du Code civil dans lequel, le législateur impose la constitution d’une servitude de passage sur le fonds servant. Pour bien comprendre ce sujet, il faut comprendre ce qu’est une servitude de passage et quelles sont ses conditions. Par ailleurs, quelles conséquences entraine-t-elle et comment s’éteint-elle ? Suivez notre article complet.
Qu’est-ce qu’une servitude de passage ?
La servitude de passage ou de désenclavement est un aménagement qui permet à un propriétaire d’un terrain enclavé de passer sur une propriété voisine pour accéder à la voie publique. L’article 682 dispose à cet effet que :
« Le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue, ou qu’une issue insuffisante, soit pour l’exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d’opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner. »
La servitude de passage autorise donc un droit de passage au profit du propriétaire du terrain enclavé.
Ce dernier prend l’appellation de fonds dominant ; tandis que le fonds sur lequel s’exerce le droit de passage devient le fonds servant. Lorsque les conditions sont réunies, le propriétaire de la parcelle enclavée est alors en droit d’exiger l’établissement d’un passage.
Le propriétaire du fonds voisin ne peut s’opposer à la constitution de la servitude.
Quelle est la condition pour la constitution d’une servitude ?
Pour réclamer un droit de passage sur une parcelle voisine, il faudrait que le fonds dominant soit enclavé. Un terrain enclavé est caractérisé par deux éléments d’appréciation, à savoir :
- Une absence ou insuffisance d’accès au fonds :
L’absence d’issue sur le fonds doit résulter d’une impossibilité physique ou une impossibilité juridique d’accéder au fonds.
L’impossibilité matérielle ou physique (critère physique) est caractérisée par la configuration du fonds qui entraine une impossibilité d’accès. Il peut s’agir d’un fonds entouré de terres appartenant à d’autres propriétaires (Cass. 30 janvier 1884).
Selon le critère économique, l’enclave est constituée lorsque l’accès au fonds est impraticable et demanderait des moyens excessifs pour l’aménager. L’excessivité des moyens est évalué par rapport l’usage qui en serait fait et la valeur de la propriété (Cass. 3ème civ. 4 juin 1971).
On parle d’impossibilité juridique lorsque l’enclave du fonds est constituée par une interdiction juridique d’accès.
Ce sera alors le cas lorsque qu’un certificat d’urbanisme interdit l’accès au fonds depuis une route (Cass. 3ème civ. 14 janvier 2016).
La Cour de cassation précise que l’enclave d’un fonds est constituée, non pas lorsque l’accès est soumis à autorisation administrative, mais lorsque l’autorisation d’accès est refusée.
Par ailleurs, est considéré comme enclavé, un fonds dont toutes les parcelles sont inaccessibles, et non seulement quelques-unes d’entre elles.
La jurisprudence considère qu’il y a insuffisance d’accès au fonds lorsque la route pour y accéder est trop étroite (impossible de faire passer des engins agricoles, véhicules utilitaires, etc.) ; ou trop dangereuse, notamment si son usage fait encourir des risques (chemin escarpé en proie aux éboulements).
- Une absence d’accès à la voie publique :
La voie publique désigne ici toute voie ouverte au public ou affectée à l’usage du public, sans distinction du régime juridique domaine public/domaine privé (Cass. 3ème civ. 13 mai 2009).
Bon à savoir :
En plus d’être enclavé, il faut impérativement prouver l’impossibilité d’exploiter le fonds soit par une utilisation normale, soit par un changement de destination.
Cette précision est une importance capitale car son défaut fait obstacle à la qualification de « fonds enclavé ».
Quelles effets entraine l’établissement une servitude de passage ?
L’indemnisation du propriétaire du fonds servant
Lorsqu’il concède un droit de passage sur son fonds, le propriétaire dudit fonds perçoit une indemnité.
C’est ce que prévoit le législateur à l’article 682 du Code civil. La servitude de passage établie sur un fond constitue une violation du droit de propriété et empêche la jouissance paisible du bien par son propriétaire.
C’est pour réparer ce préjudice que le législateur a prévu une indemnité à verser au propriétaire du fonds servant.
L’indemnité est alors due en guise de réparation. Pour cela, elle doit être proportionnée au dommage que peut occasionner la servitude sur le fonds servant. Son montant tient compte de la valeur vénale du terrain et est versé en capital ou en redevance trimestrielle ou annelle.
Le calcul de l’indemnité du droit de passage tient compte de trois préjudices :
- Les dommages causés à la propriété traversée ;
- Les nuisances causées par l’aménagement du passage ;
- La création de la servitude proprement dite.
Exceptionnellement, l’indemnisation n’est pas due lorsque :
- Le fonds est enclavé par l’action du propriétaire du terrain, notamment s’il a lui-même obstrué l’accès à la voie publique. De ce fait, il engage sa propre responsabilité.
- Le fonds enclavé comporte une issue de tolérance
En pratique, il est recommandé de recourir aux services d’un notaire pour la détermination du montant de l’indemnité.
Les devoirs et obligations liées à la servitude du droit de passage
S’agissant du propriétaire du fonds dominant, au-delà de verser une indemnité au propriétaire du fonds servant, il doit garder la servitude en bon état.
A cet effet, il doit effectuer tous les travaux nécessaires à l’entretien des installations. Tous les aménagements et travaux nécessaires sont à sa charge. Il devra par-dessus tout s’assurer de causer le moins de répercussions négatives possibles sur le fonds.
S’agissant du propriétaire du fonds servant, il doit respecter le droit de passage accordé à son voisin. Il ne lui est pas permis de limiter ou restreindre l’usage de la servitude.
Si cela est impératif, il peut déplacer l’emplacement de la voie d’accès d’un point à un autre, à condition de réaliser lui-même les travaux qui en découlent.
Il faudrait par ailleurs et par-dessus tout que le nouvel emplacement offre les mêmes avantages que l’ancien. Il doit donc être aussi praticable que le précédent, et permettre tout autant un accès commode à la voie publique.
Comment s’éteint la servitude ?
Le droit de passage peut prendre fin. L’article 685-1 du Code civil énonce que
« En cas de cessation de l’enclave et quelle que soit la manière dont l’assiette et le mode de la servitude ont été déterminés, le propriétaire du fonds servant peut, à tout moment, invoquer l’extinction de la servitude si la desserte du fonds dominant est assurée dans les conditions de l’article 682. ».
Il en ressort que la disparition des conditions ayant conduit à l’établissement d’un droit de passage, entraine le retrait de ce droit et donc de l’extinction de la servitude.
En somme, si le terrain n’est plus enclavé, il n’y a plus lieu d’accorder un droit de passage.
Dans la pratique, c’est au propriétaire du fonds servant de le fonds dominant dispose désormais d’un accès suffisant vers la voie publique. Le nouvel accès devra permettre une utilisation normale du fonds conformément aux besoins de son exploitation.
S’il est confirmé que son fonds n’est plus enclavé, le propriétaire du fonds dominant ne peut pas s’opposer à l’extinction de la servitude.