L’article 31 du Code de procédure civile dispose que « L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. ». Le législateur consacre les conditions d’ouverture de l’action en justice et ses exceptions. Dès lors, il importe de s’interroger sur lesdites conditions, quelles sont-elles ? Par ailleurs, quelles exceptions sont prévues par la loi ?
Quelles sont les conditions d’ouverture de l’action en justice ?
Les conditions d’ouverture de l’action en justice sont des règles relatives au déclenchement de l’action. L’article 30 alinéa 1er du Code de procédure civile nous révèle que « L’action est le droit, pour l’auteur d’une prétention, d’être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée. ». L’action en justice est l’expression d’un droit subjectif, une liberté fondamentale qui peut être défini comme fondement juridique sur la base duquel un justiciable formule sa prétention ou un discute le bien fondée d’une prétention formulée contre lui.
Initialement, les conditions d’ouvertures de l’action en justice sont au nombre de trois, notamment l’intérêt, la qualité et la capacité à agir. Cette dernière condition étant beaucoup plus large et non spécifiques à l’action en juste, le législateur n’en a consacré que les deux premières, à savoir :
- l’intérêt à agir ;
- et la qualité pour agir.
1- L’intérêt à agir
L’intérêt pour agir est l’avantage que vous pouvez tirer d’un procès. Le législateur dispose que « L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention ». La question de l’intérêt légitime a longtemps été sujette à de nombreuses controverses au sein même de la communauté juridique avant sa consécration par le législateur dans Nouveau Code de Procédure Civile. D’aucuns lui avaient attribué l’origine de la confusion entre recevabilité et bien fondée de l’action en justice. Plus tard, ont été développées les concepts d’intérêt légal, intérêt sérieux, intérêt certain, intérêt direct. Certaines jurisprudences ont rythmé l’évolution du concept d’intérêt légitime, notamment les arrêts de la Cour de cassation des 27.02.1970, 13.01.2005, etc.
L’intérêt pour agir doit être actuel, c’est-à-dire exister au moment de l’introduction de la demande en justice (Cass, civ. 3, 08.07.2006). Il est alors impossible de se prévaloir d’un intérêt passé, ou d’un intérêt éventuel, d’où l’interdiction de principe des actions interrogatoires et actions provocatoires, excepté dans certains cas bien précis, tout comme les actions déclaratoires et actions conservatoires.
Enfin, l’intérêt pour agir doit être personnel. Le principe de l’intérêt personnel voudrait que chaque personne physique puisse doivent défendre personnellement ses intérêts en justice. Ce principe rencontre des exceptions en droit pénal et droit des sociétés.
2- La qualité pour agir
La qualité pour agir est le titre auquel un demandeur exerce son droit d’agir en justice. C’est la condition de recevabilité de l’action en justice liée à la qualité juridique de la personne agissant. Dans ce registre, il convient également de définir l’action banale qui est ouverte à toute personne intéressée sans exigence de qualité, l’action attitrée qui exige à l’auteur d’une prétention d’avoir qualité pour agir (ex : l’action divorce attribuée aux seuls époux) ; ou encore le mandat qui peut être confondu avec la qualité. Le mandat se rapportant davantage à la question de validité d’une représentation. Son défaut étant sanctionné par la nullité de l’acte pour vice de fond, tandis que le défait de qualité est sanctionné par une fin de non-recevoir.
La question de la qualité pour agir ne pose pas de problème pour les personnes physiques. La première personne ayant qualité à agir est celle dont les intérêts sont menacés. A noter qu’une même personne peut agir en des différentes qualités. Mais une personne ne peut pas agir pour défendre les intérêts de quelqu’un d’autre.
Le législateur précise à l’article 32 du Code de procédure civile qu’il ” Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir ” Le droit d’agir est donc scrupuleusement observé tant chez le demandeur que chez le défendeur. Les conditions de l’action en justice sont posées pour éviter d’encombrer les juridictions de procès fantaisistes et inutiles. Elles admettent toutefois quelques exceptions.
II- Quelles sont les exceptions aux conditions de l’action en justice ?
Les exceptions sont des tempéraments que la loi reconnaît aux justiciables dans les conditions de recevabilité de leurs actions en justice. L’article 31 du Code de procédure civile fait allusion aux « … cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. ». Les exceptions sont apportées autant par la loi que par la jurisprudence.
1- Un intérêt déterminé
L’intérêt déterminé tempère l’intérêt légitime et tout ce qui en découle (intérêt actuel, sérieux, certain, légal, etc.). L’intérêt déterminé désigne un intérêt connu, quand bien même pas encore actuel. Sa reconnaissance tient de la nécessité de connaitre certaines actions avant que se produise le préjudice.
- L’action interrogatoire : elle vise à amener une personne à se prononcer avant le terme de son délai de réflexion.
- L’action provocatoire : elle a pour objet de conduire une personne à faire constater en justice les droits dont elle se prévaut ou à défaut d’y renoncer.
- L’action préventive : elle vise à faire adopter par le juge saisi par requête, une mesure participant à la tenue d’un procès prochain.
- L’action déclaratoire : elle a pour objet de faire constater par le juge l’existence ou l’étendu d’une situation.
- L’action conservatoire : elle vise à faire constater par le juge, l’existence non d’un intérêt né, mais plutôt d’un intérêt futur.
2- L’attribution légale du droit d’agir
L’attribution légale du droit d’agir se rapporte aux situations dans lesquelles le législateur a accordé à certaines personnes le droit d’agir dans certaines situations bien précises, sans avoir à prouver leurs qualités. Plusieurs cas peuvent alors être cités :
La loi attribue au ministère public le droit exclusif d’agir dans toute situation menaçant l’ordre public ou l’intérêt général. Cette reconnaissance du droit d’agir du Procureur de la république est fondée sur la différence entre intérêt général et intérêt particulier.
Une autre différence doit être faite entre l’intérêt personnel des personnes physiques qui ne peut être défendu que par lesdites personnes concernées, et l’intérêt personnel des personnes morales. La loi reconnait aux personnes morales le droit d’agir dans trois types d’intérêts différents :
- L’intérêt de la personne morale elle-même ;
- L’intérêt des membres de la personne morale à titre individuel ;
- L’intérêt des membres de la personne morale à titre collectif.
Le droit d’agir peut être reconnu différemment selon la forme de la personne morale.
S’agissant des syndicats et les ordres professionnels, ils disposent du droit d’agir pour défendre les intérêts collectifs de la profession (Cass. Cham. Réunies, 05.04.1913), confirmé dans le Code du travail. Il en découle que le syndicat ne peut agir que pour défendre la profession qu’il représente, et uniquement son intérêt collectif de la profession. Ce qui exclut alors l’intérêt individuel des salariés et l’intérêt général. L’intérêt collectif est un intérêt intermédiaire.
S’agissant des associations, la situation de leur droit d’agir est encore complexe en droit positif français. Il convient de constater d’emblée que les associations n’ont pas de droit d’agir pour défendre un intérêt collectif. Cette limite se justifie par le fait que les associations défendent généralement de grandes causes, se rapprochant ainsi de l’intérêt général (monopole du ministère public). Exception est alors faite de certaines associations auxquelles le législateur a expressément reconnu le droit de défendre un intérêt collectif. Il s’agit notamment des associations de défense des consommateurs.
En somme, les conditions pour la recevabilité de l’action d’une personne morale sont : L’intérêt collectif défendu doit entrer dans l’objet social (Cass. civ., 18.09.2008) ;
La personne morale doit avoir un intérêt propre au succès de l’action.