Lorsqu’une nouvelle loi est votée, elle abroge automatiquement l’ancienne loi régissant la même matière et portant des dispositions contraires. C’est la règle de l’application de la nouvelle loi. Mais la nouvelle loi est-elle toujours d’application automatique ? L’ancienne loi est-elle toujours immédiatement sortie de vigueur ? C’est là l’une des problématiques les plus fondamentales et des plus anciennes du droit. Elle soulève la question de la rétroactivité de la règle de droit. Cette thématique ayant déjà fait l’objet de nombreuses publications, cet article simple vous facilitera la compréhension du principe de la non-rétroactivité de la loi, et son exception, la rétroactivité.
Qu’est-ce que le principe de la non-rétroactivité de la loi
Qu’est-ce que la non-rétroactivité de la loi ?
La non-rétroactivité de la loi est un principe fondamental du droit qui voudrait que lorsqu’une nouvelle loi est votée, elle ne s’applique qu’aux situations postérieures à sa promulgation, c’est-à-dire les situations nées après son entrée en vigueur.
En France, le principe de la non-rétroactivité de la loi est consacrée par le législateur à l’article 2 du Code civil par ces termes « La loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ». La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 le consacre également à son article 8 en disposant que « La loi ne doit établir que de peine strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. ».
L’emplacement de ce principe au tout début de ces dispositifs juridiques est fort révélateur de son importance pour garantir la sécurité juridique et éviter les conflits de lois liés à l’application de la loi dans le temps.
La doctrine a particulièrement œuvré à l’érection de la non-rétroactivité de la norme en principe du droit civil. Deux théories avaient alors été émises dans ce sens, à savoir :
- La théorie des droits acquis
- La théorie de l’effet immédiat
Le juge fera alors alternativement application de ces deux théories afin d’appliquer le principe de la non-rétroactivité, à l’exception des cas limitativement énumérés.
Comment s’applique le principe de non-rétroactivité ?
Le principe pose des règles bien précises en matière d’application de la norme. Deux règles découlent de cette application :
- L’effet immédiat de la nouvelle loi
« La loi ne dispose que pour l’avenir. », de la compréhension de ce principe résulte la règle de l’application immédiate de loi nouvelle. Il faut entendre par là que loi régit automatiquement les situations juridiques en cours de constitution et leurs effets futurs, les situations en cours d’extinction, ou encore les situations futures.
- La non-rétroactivité de la nouvelle loi
La loi « … n’a point d’effet rétroactif. ». Cette règle pose l’interdiction de la rétroactivité de la nouvelle loi, et signifie que la loi ne s’applique pas aux situations passées. Cette règle est fondée sur l’idée de sécurité juridique. La sécurité juridique est la stabilité de la norme juridique applicable à un espace.
Exemple de la non-rétroactivité de la loi : En matière de construction immobilière, une nouvelle loi du 12 février 2023 impose la réalisation d’une étude environnementale du site pour tout nouveau projet de construction immobilière. Les constructions immobilières déjà achevées datant d’avant le 13 février 2023 ne sont pas concernées par la nouvelle loi. Celle-ci va s’appliquer uniquement aux projets de construction en cours et ceux futurs.
Bon à savoir :
En pratique, la valeur du principe de non-rétroactivité de la loi va dépendre de la matière dans laquelle elle est promulguée.
- En matière civile, le principe à une valeur législative, fondée sur le Code civil. Il s’impose au juge, mais le législateur peut y déroger en votant une loi expressément d’application rétroactive.
- En matière pénale, le principe a une valeur constitutionnelle, fondée sur la DDHC de 1789. Ni le législateur, ni le juge ne peuvent y déroger, notamment pour ce qui des lois pénales plus sévères.
L’exception au principe de non-rétroactivité de la loi
Qu’est-ce que la rétroactivité de la loi ?
Il faut entendre par rétroactivité de la loi, la possibilité pour celle-ci de s’appliquer aux situations juridiques nées antérieurement à son entrée en vigueur. Toute situation survenue avant la promulgation de la nouvelle loi, et entrant dans son objet est alors soumise à son emprise. On parle dans ce cas de loi rétroactive.
Le principe de la non-rétroactivité de la loi n’est donc pas absolu. C’est-à-dire qu’il existe des cas où la nouvelle n’entrainera pas forcément l’abrogation de la loi ancienne. Les théories doctrinales mentionnées plus haut admettaient déjà la possibilité que l’ancienne loi survive à la nouvelle pour des raisons de sécurité juridique.
Par ailleurs, la loi nouvelle peut expressément prévoir sa rétroactivité pour s’appliquer à toute situation juridique née avant son entrée en vigueur.
Comment s’applique la rétroactivité de la loi ?
L’exception à la non-rétroactivité de la loi se manifeste à travers deux situations :
- La survie de la loi ancienne
La survie de l’ancienne loi évoque les cas où les effets de l’ancienne loi continuent de s’étendre après l’entrée en vigueur de la nouvelle. Cette dernière ne régit alors pas les situations juridiques nées avant elle et dont les conséquences s’étendent au-delà d’elle. C’est une règle pratique consacrée par la jurisprudence dans l’arrêt de principe Dame Museli c/ SCI Le Panorama (Cass., civ 3ème, 3 juillet 1979, n° 77-16.552). Dans cette affaire, le juge soutient que « Les effets des contrats conclus antérieurement à la nouvelle loi, même s’ils continuent à se réaliser postérieurement à cette loi, demeurent régis par les dispositions sous l’empire desquelles ils ont été passés ».
C’est donc en matière contractuelle que cette situation est la plus fréquente. La loi ancienne va survivre car les parties ont contracté sous l’empire de l’état de droit en vigueur au moment de la conclusion du contrat.
Ce fut également le cas lors de la réforme du droit des obligations de 2016. Entrée en vigueur le 10 février 2016, l’ordonnance portant réforme du droit des contrats ne modifie pas les situations juridiques nées sous l’empire de l’ancien droit.
La survie de l’ancienne loi admet cependant des limites. Etant de valeur jurisprudentielle, ce principe peut être écarté d’office :
- Par le juge, lorsqu’il prévoir expressément que la nouvelle loi est d’application immédiate.
- Par le législateur en matière contractuelle lorsque la nouvelle loi est investie d’un caractère d’ordre public particulièrement impérieux (Cass., com., 3 mars 2009).
- La rétroactivité de la nouvelle loi
Le principe de la rétroactivité de la loi désigne une loi expressément rétroactive, une loi dont le dispositif est prévu pour s’appliquer aux situations juridiques survenues avant sa publication. Quatre types de lois sont alors expressément rétroactifs :
- Les lois rétroactives par intention du législateur excepté les lois plus sévères en matière pénale (loi pénale sévère) ;
- Les lois interprétatives qui précisent l’interprétation qui doit être faite d’un texte ;
- Les lois de validation qui régularisent les actes annulés par le juge ;
- Les lois pénales plus douces qui sont par nature rétroactive (principe de rétroactivité in mitius).
La rétroactivité de la loi fait cependant l’objet d’un contrôle strict de la part du juge. En effet, sur le principe de la prééminence de l’Etat de droit, garanti par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui prescrit le respect du principe du procès équitable et celui de la séparation des pouvoir législatif et judiciaire, le législateur doit respecter certains conditions avant de voter une loi rétroactive.
- La rétroactivité de la loi doit être justifiée par un impérieux motif d’intérêt général.
- L’atteinte aux droits acquis des justiciables, entrainée par la rétroactivité de la loi doit correspondre au motif d’intérêt général.