Affaire Balkany : la prescription de l’infraction de blanchiment (Crim. 30 juin 2021, FS-B, n°20-83.355)

13 octobre 2021

Affaire Balkany : la prescription de l’infraction de blanchiment (Crim. 30 juin 2021, FS-B, n°20-83.355)

Le couple Balkany s’est uni pour le meilleur comme pour le pire. Après 44 ans de mariage, ces derniers se retrouvent au cœur d’une enquête qui les mènera tout droit vers une descente aux enfers publique ! En effet, depuis l’ouverture d’une information le 4 décembre 2013 contre Patrick Balkany pour blanchiment de fraude fiscale, le couple est dans le viseur de la Justice. Dans le dernier volet de l’affaire Balkany, ils ont été prononcés “coupables de blanchiment de fraude fiscale aggravé et de déclarations mensongères à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique”. Par ailleurs, M. Balkany est aussi tenu responsable de “prise illégale d’intérêts” par la Cour d’appel de Paris le 27 mai 2020. La Chambre criminelle de la Cour de cassation vient de se prononcer sur ce dernier volet dans un arrêt datant du 30 juin 2021.

Acte I : Une chronique amoureuse sous les coups de la justice. 

Patrick et Isabelle Balkany avaient tout pour plaire. Issus tous deux d’une famille aisée, ils ont vite côtoyé les grandes figures politiques comme Michel Jobert ou bien Charles Pasqua qui vont les propulser au sommet de leur carrière. Une carrière plus propice aux suspicions qu’à la gloire. 

Depuis la saisine du juge d’instruction en 2014, ils font face à plusieurs chefs d’accusations : des faits de corruption, de prise illégale d’intérêt et blanchiment, de blanchiment de fraude fiscale et de faits de déclarations mensongères à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique concernant M. Balkany, de blanchiment aggravé pour le couple. Par un jugement du tribunal correctionnel du 18 octobre 2019, Patrick Balkany est condamné à 5 ans d’emprisonnement, 10 ans d’interdiction de gérer et 10 ans d’inéligibilité. Sa femme est condamnée à 4 ans d’emprisonnement, 10 ans d’interdiction de gérer et 10 ans d’inégibilité. En outre, il est aussi ordonné plusieurs confiscations de leur patrimoine. La Cour d’appel de Paris, dans une décision du 27 mai 2020, va confirmer ce jugement. 

Evidemment, les époux Balkany contestent cette décision et forment un pourvoi en cassation.

Acte II : La survie d’une vie idyllique.

Effectivement, le binôme Balkany ne pouvait pas accepter ce jugement et le contestera devant la Cour de cassation en se fondant sur la distinction de prescription entre l’infraction de blanchiment et celle d’origine. En effet, les prévenus vont contester une jurisprudence constante de la Cour de cassation (Crim. 16 juillet 1964, Bull. crim. n°241) qui s’inspire du recel pour la prescription de blanchiment. 

Le blanchiment est défini par le visa de l’article 324-1 du Code pénal : “ le blanchiment est le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect.”

La Cour de cassation apporte toujours une solution constante dans sa jurisprudence quant à l’interprétation de la prescription du blanchiment. La Haute juridiction est venue appliquer la prescription en matière de recel pour le blanchiment tout en le distinguant du recel qui est une infraction continue. Le délit de blanchiment est quant à lui une infraction instantanée (Crim. 11 septembre 2019, n°18-81.040). Effectivement, le point de départ du délai de prescription de blanchiment est à courir au moment où il est apparu et il a été constaté et l’action publique ne peut pas commencer tant que l’infraction d’origine n’a pas été constatée. C’est l’application de l’article 9-1 du code de procédure pénale, issu de la loi n°2017-242 du 27 février 2017.

Les prévenus vont soulever que cette interprétation de la Cour du quai d’Horloge sur la prescription du blanchiment est “contraire aux droits et libertés de la Constitution, à savoir le principe de nécessité des peines et à la garantie des droits consacrés par les articles 8 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789”. 

Acte III : La Cour de cassation : descente aux enfers pour les Balkany.

La chambre criminelle de la Cour de cassation va évidemment rejeter cette demande. En effet, cette question avait déjà été posée devant la chambre criminelle (Crim. 9 décembre 2020). Les juges du droit avaient estimé que “les règles relatives à la prescription de l’action publique du délit de blanchiment sont conformes aux principes dégagés par le Conseil Constitutionnel (Cons. const. 24 mai 2019) qui confie au législateur le soin de fixer des règles qui ne soient pas manifestement inadaptées à la nature ou à la gravité des infractions pour tenir compte des conséquences attachées à l’écoulement du temps”.  

Donc, quand bien même l’infraction d’origine est prescrite, les poursuites de l’infraction de blanchiment sont possibles (Crim. 31 mai 2012).

La Cour de cassation reste attachée à l’application classique en matière de prescription de blanchiment et ne change pas sa jurisprudence…au plus grand malheur des époux Balkany, qui voient en cette décision la poursuite progressive vers leur chute aux enfers. Ces derniers, tentent tant bien que mal de se déculpabiliser, et comme l’affirmait Mme. Balkany “Je n’y suis pour rien si j’ai été élevée dans un hôtel particulier de 3 000 m2 dans le 16ème et si, enfant j’allais en Rolls à l’école” (Le Journal du dimanche, 2015). Un témoignage qui n’aura visiblement pas eu le succès escompté ! 

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