Le 21 février 1965, l’agence de presse américaine UPI annonce que Malcom X, figure emblématique des droits civiques a été assassiné alors qu’il montait à la tribune de l’Aubudon Ballroom, une salle de spectacle à Harlem. La Justice américaine pensait avoir identifié les coupables, cependant, la diffusion d’un documentaire Netflix ayant soulevé de nouveaux doutes sur leur culpabilité a entrainé une ouverture de l’enquête. Qu’est-il advenu de cette enquête ? Une erreur judiciaire avait -elle été commise ? Comment la justice américaine a-t-elle appliqué les principes fondamentaux qui régissent l’organisation d’un procès aux USA ?
L’assassinat de Malcolm X
Trois personnes ont fait l’objet d’une condamnation par la justice américaine en 1966 : Muhammad Aziz, Khalil Islam et Mujahid.
Muhammad et Khalid ont toujours proclamé leur innocence. Tant dis que Mujahid Abdul Halim, « avait reconnu avoir tiré sur Malcolm X et avait mis ses deux co-accusés hors de cause, en vain ».
La réouverture de l’affaire : entre
controverses et quête de vérité
En février 2020, la diffusion du documentaire « Who Killed Malcom X ? » réalisée par un historien a soulevé des doutes sur la culpabilité de Muhammad Aziz et de Khalid Islam, en particulier concernant leur présence sur les lieux de l’assassinat. Concernant Mujahid le problème ne se posait pas dans la mesure où il a reconnu les faits.
Ce documentaire mettait en lumières les manquements, voire les incohérences de l’enquête sur la mort de Malcolm X. Abdur-Rahman Muhammad, passionné par l’affaire affirme dans ce documentaire : « J’estime en avoir lu assez pour me dire que les tueurs sont toujours dans la nature ».
Ainsi la famille de Malcolm X, en quête de la vérité, a demandé une réouverture de l’enquête. La réouverture de l’affaire a suscité beaucoup de controverses et de divergences. Cependant la justice américaine était en droit de s’emparer de nouveau du dossier. En effet, une telle réouverture se justifiait par la découverte d’éléments nouveaux, pouvant remettre en cause le jugement. Par ailleurs, Cyrus Vance a évoqué « de nombreuses pièces que ses prédécesseurs n’avaient pas en 1965 pouvaient impliquer d’autres suspects ». Parmi ces éléments on peu mettre en avant le témoignage d’un homme vivant à Brooklyn et qui a précisé que Muhammad Aziz l’avait appelé de chez lui, le même jour de l’assassinat et quelque instant après ce dernier.
Par ailleurs, en France l’ouverture du dossier aurait également était possible. En effet, les articles 622 à 626-1 du Code de Procédure pénale, prévoient la possibilité de réviser une décision pénale de manière exceptionnelle lorsqu’un fait nouveau ou un élément inconnu du tribunal apparaît après la fin du procès.
Dans l’affaire Malcolm X, les éléments inconnus ont notamment étaient de nature à établir l’innocence des condamnés et de faire naître un doute sur la culpabilité d’une autre personne.
Le verdict
Le jeudi 18 novembre 2021, le verdict a été rendu et deux des trois hommes qui avait été condamné à l’époque ont été innocenté.
C’est ainsi que « des applaudissements ont résonné dans la salle d’audience de la Cour suprême de NY lorsque la juge Ellen Biden a qualifié « d’échec de la justice » la condamnation de Muhammad Aziz, après plus de 20 ans de prison et de Khalil Islam qui est décédé en 2009.
Par ailleurs, l’annulation des condamnations a été obtenue grâce au dépôt d’un dossier conjoint réalisé par le procureur de Manhattan, des avocats de la défense et de The Innocence Project qui est une organisation luttant contre les erreurs judiciaires.
Comment réparer les préjudices subis par les condamnés ?
La réparation des préjudices
Des excuses ont été prononcées publiquement. Mais tel que l’annonce le procureur Vance : « la justice américaine ne pourra pas rendre ce qui a été pris à ces hommes ».
En effet, « ces hommes n’ont pas eu droit à la justice qu’ils méritaient. Ce que nous pouvons faire, c’est reconnaître cette erreur, la gravité de cette erreur », déclare le procureur Cyrus Vance dans le New York Times.
« Un demi-siècle après, deux hommes condamnés pour le meurtre de Malcom X innocentés ».
Ce rebondissement judiciaire met en exergue les différences qui existent entre le système judiciaire américain et le système français.
La justice américaine : système
accusatoire
Le système judiciaire américain garanti de nobles principes tels que celui du « procès équitable » (« due process »). Par ailleurs le principe de présomption d’innocence est d’une importance essentielle aux Etats-Unis. En effet, il est prévu par le 14e amendement de la Constitution et confirmé par la Cour Supreme dans son arrêt Taylor v Kentucky. Cependant, malgré ces protections, la justice américaine n’est pas sans failles.
En effet, l’affaire Malcolm X est susceptible de mettre la procédure accusatoire américaine à la une de l’actualité et des débats, faisant dès lors ressortir la différence avec le système inquisitoire appliqué en France.
L’une des principales critiques qui ressort à l’égard du système accusatoire américain concerne le rôle passif du juge. En effet les juges rendent une décision sur le fondement de ce qui est leur intime conviction. Dès lors ces derniers ne sont pas actifs dans la recherche de preuve et dans la notification des charges. Par ailleurs la procédure accusatoire essentiellement orale, contradictoire et publique, se fonde sur un « doute raisonnable » ressenti pendant l’audience. Alors que dans un système inquisitoire, la recherche de la vérité étant une priorité, les juges sont beaucoup plus actifs.