Si la découverte par la population de l’Internet public a révolutionné nos sociétés, il n’est cependant pas moins sans danger. Selon l’ONU la cybercriminalité consisterait à « tout comportement illégal faisant intervenir des opérations électroniques qui visent la sécurité des systèmes d’information et des données qu’ils traitent ». Dans ce domaine, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe en 1999 avait considéré que l’anonymat constituait la meilleure protection de la vie privée. Par ailleurs, la jurisprudence européenne est riche en la matière et marque l’importance de cette pratique. L’arrêt du 4 décembre 2008 de la Cour européenne des Droits de l’Homme avait considéré que la « protection des données personnelles joue un rôle fondamental dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale ».
Dès lors, l’anonymat sur Internet constitue un vecteur idéal de la cybercriminalité, il existe en la matière de nombreux procédés. Cependant, l’anonymat se trouve à être légalement limité, notamment dans le cadre de la lutte contre la cybercriminalité.
I. L’anonymat sur Internet, un vecteur idéal de la cybercriminalité
En 2015, l’on recensait dans le monde 3,025 milliards d’utilisateurs sur Internet soit 42% de la population. En France en 2018, 88% des français avaient accès à Internet soit environ 57,29 millions de personnes. Face à l’augmentation constante d’utilisateurs sur Internet, les comportements criminogènes ne sont pas à exclure.
Alors certes, être anonyme sur Internet ne signifie pas être un délinquant. En revanche, Myriam QUEMENER, magistrat, rappelle que toute innovation technologique ouvre dans le même temps de nouvelles brèches dans lesquelles s’engouffrent les réseaux criminels.
La Commission européenne recense trois catégories d’activités criminelles pouvant être commis sous le couvert de l’anonymat : Le déni de service (saturation ou blocage des systèmes informatiques), la fraude en ligne (escroqueries…), la pédophilie (ou le racisme et la xénophobie).
A la suite des attentats du 11 septembre 2001, il a été relevé que le monde virtuel offrait aux membres d’organisations terroristes un outil fiable, rapide, anonyme et peu onéreux. C’est pourquoi la France avait pris les devant en légiférant la loi Godfrain du 5 janvier 1998.
Le recours accru des délinquants à l’anonymat sur Internet en vue de commettre des infractions cybercriminelles, a conduit le Président de la République Emmanuel MACRON a déclarer que « pour une hygiène démocratique du statut de l’information […] l’on doit aller vers une levée progressive de toute forme d’anonymat ».
Face à cette question de savoir si devions nous ou non supprimer l’anonymat sur Internet, intéressons nous dès lors sur les nombreux procédés permettant de recourir à l’anonymat.
II. Les procédés permettant de recourir à l’anonymat sur Internet
Le pseudonymat consiste à l’emprunt d’un nom sous lequel, par exemple, des artistes se font connaître du public. L’utilité du pseudonymat est justement de choisir la part d’information qui sera transmise sur le web. Cependant, cela ne permet pas une dissimulation de l’identité de manière intégrale, pour cela il existe d’autres procédés plus efficace tel que le réseau TOR.
Légal, le réseau TOR ou « The Onion Router » est à l’origine issu d’une technique permettant la sécurité des communications militaires. Le fonctionnement de TOR est simple : cela consiste à faire transiter les informations par différents relais, qui cryptent et décryptent les données chacun leurs tours, jusqu’au serveur final. Néanmoins, la protection de l’anonymat offert par TOR est que son utilisation peut être faite à des fins criminelles.
Il existe, en outre, le VPN ou « Virtual private Network ». Le VPN est un réseau crypté qui empêche l’interception des données et rend difficile la localisation de l’utilisateur en dissimulant son adresse IP. Dès lors, le fournisseur d’accès ainsi que les pouvoirs publics ou les hackers n’ont que de faibles marges de manœuvres pour intercepter vos données d’utilisateurs.
Face à la multiplication de la cybercriminalité sous couvert d’anonymat, des limitations légales ont été apportées par le législateur.
III. Les limitations légales de l’anonymat dans la lutte contre la cybercriminalité
Afin de réprimer les comportements criminogènes sur le web, la loi pour la Confiance dans l’Economie Numérique (LCEN) de 2004 a consacré une obligation d’identification.
Il est prévu que les fournisseurs d’accès, de services de stockages, de réseaux sociaux ainsi que de messageries doivent, en cas de réquisition de l’autorité judiciaire, transmettre les informations en vue d’identification d’une personne. Ce contrôle s’est particulièrement développé dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et l’apologie de ces actes.
L’identification des personnes anonymes sur le web a eu un premier retentissement en France avec HADOPI, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet. Cet organisme lutte pour la protection des droits d’auteur en France, et donc le téléchargement illégal d’œuvres protégées par ces droits. De nombreux Français se sont vu recevoir des avertissements concernant ces comportements. En effet les fournisseurs d’accès se sont vus obligés de fournir la liste de leurs clients effectuant ce type de téléchargement avec les éléments permettant leurs identifications.
Comme il est dit dans l’arrêt Baldy de 1917 « La liberté est la règle, la restriction de police l’exception ». En matière informatique, l’anonymat est la règle. Même si l’anonymat n’est pas un droit purement reconnu sur internet, l’obligation apportée par l’article L.34-1 du Code des Postes et des communications électroniques en fait une valeur partiellement protégée.
L’anonymat sur Internet connait des limites… une levée de celui-ci est possible.
IV. La levée de l’anonymat pour une lutte efficace contre la cybercriminalité
Suite à un défaut d’encadrement suffisant pour les internautes, une législation efficace est nécessaire. Si bien qu’aujourd’hui des voix s’élèvent pour reconnaître un droit à l’anonymat, cependant il est nécessaire de trancher sur un équilibre entre les droits et libertés des citoyens et la nécessité de ne pas laisser se produire des comportements délinquants sur les réseaux avec une totale impunité pour les auteurs.
Pour certaines infractions régulières sur Internet, le législateur a prévu une législation notamment en ce qui concerne les infractions de presse et de pédopornographie
En matière d’infractions de presse, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse consacre aux articles 23 et suivants les infractions portant sur les provocations aux crimes et aux délits, tel que les délits contre la chose publique par exemple, ou encore les délits contre les chefs d’Etat et agents diplomatiques étrangers.
Les réseaux sociaux sont le lieu où de nombreuses infractions cybercriminelles sont réalisées sous couvert d’anonymat. Twitter a d’ailleurs fait l’objet d’une affaire de droit de la presse suite à des propos antisémites tenus par des utilisateurs anonymes sur l’application. Suite au refus de Twitter de retirer les propos discriminants, des associations de lutte contre le racisme ont assigné Twitter devant le Tribunal de Grande Instance (aujourd’hui Tribunal judiciaire) de Paris, ce à quoi la juridiction a rendu une ordonnance de référé obligeant Twitter à communiquer aux requérants les données permettant « l’identification de quiconque a contribué à la création des tweets manifestement illicites ».
Il n’en est pas moins que sous le couvert de l’anonymat, l’infraction de pédopornographie soit très fréquente. A ce titre, bien que l’article 227-23 du Code pénal incrimine cette infraction, l’article 6 – I – 7 de la loi LCEN dispose que « Compte tenu de l’intérêt général attaché à la répression […] de la pornographie enfantine, […] doivent concourir à la lutte contre la diffusion des infractions visées aux cinquième, septième et huitième alinéas de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et aux articles 227-23 du code pénal ». Dès lors, la lutte contre la pédopornographie s’entend comme une lutte pour l’intérêt général.