La blockchain : l’avènement de l’internet 3.0 ?

12 novembre 2021

blockchain

Le 7 septembre 2021, le Salvador est devenu le premier pays au monde à donner cours légal au bitcoin. 13 ans après sa création, la crypto-monnaie n°1 semble enfin prête à trouver ses marques dans le monde physique et devenir un incontournable des portefeuilles d’investisseurs du monde entier. Mais comment cet actif en est-il arrivé là aussi rapidement ? En réalité, le bitcoin est l’arbre qui cache la forêt, l’intérêt principal résidant dans la technologie derrière ce nouvel or numérique : la blockchain.

I. Mieux comprendre la blockchain… imaginons ! 

 Pour mieux se rendre compte de ce qu’est la blockchain, imaginons que dix amis se retrouvent pour boire un verre. Arrivé au bar, Théo, l’un d’eux, annonce la couleur : « je paye ma tournée ! ». Ses amis ravis, Théo s’en va commander au bar et revient avec 10 bières pour lui et ses amis. Sauf que Théo est un peu tatillon ; il estime que, suite à son acte désinintéressé, chacun de ses amis doit, à son tour, payer sa tournée jusqu’à ce que tout le monde ait offert un verre à chacun de ses amis. Théo note donc les obligations de chacun d’eux dans son carnet ; la soirée passe, et Théo note consciencieusement chaque fois où l’un de ses amis paye sa tournée. Arrive le moment où Charles, le dernier va devoir abreuver ses amis, il doit s’acquitter de sa dette avant que chacun ne retrouve son lit respectif ; sauf que Charles, étouffé de dettes, souhaitait passer la soirée en passager clandestin. Profitant d’un moment d’inattention de Théo, il s’empressa de saisir le carnet du malheureux comptable afin d’effacer son ardoise : le voilà maintenant épongé de ses dettes ! Quelques temps après, Théo, assoiffé, se saisit de son carnet afin de savoir qui sera le prochain à remplir son verre. A l’ouverture du carnet, c’est la stupeur : tout le monde a réglé sa note ! Pourtant Théo aurait juré que Charles ne s’était pas encore acquitté de sa dette ; mais le carnet a parlé, Charles ne doit plus rien. Dépité, il rentra chez lui assoiffé et toujours suspicieux envers son comparse. Comment aurait-il pu éviter ce genre de situation ? 

En l’espèce, Théo aurait dû demander à chacun de ses amis d’à leur tour, écrire les obligations de chaque personne du groupe. Le registre n’aurait donc pas été centralisé sur un carnet, mais sur dix ; et Charles aurait eu bien du mal à modifier chacun des dix. La blockchain : l’avènement de l’internet 3.0? Deux carnets… l’information que Théo souhaitait sécuriser n’aurait pas été vulnérable à son inattention. En d’autres termes, Théo aurait dû concevoir un système de stockage et de transmission d’information distribuée et sécurisée ; ce qu’on appelle communément une blockchain. Développée à partir de 2008 par Satoshi Nakamoto (c’est un alias ; l’identité derrière ce nom n’est toujours pas connue), la blockchain permit dans un premier temps de transférer une monnaie numérique dédiée (en l’espèce le Bitcoin) d’un utilisateur A à un utilisateur B sans passer par un tiers et de manière anonyme (à l’inverse d’une banque dans le cas d’un virement bancaire) ; ici, c’est le réseau entier qui fait office de tiers de confiance.

 II –  Comment ça marche ? 

D’un point de vue conceptuel, la blockchain ne se matérialise pas en une unité car elle est caractérisée de tous ses acteurs. Pour mieux comprendre, l’analogie est souvent faite avec le concept internet ; elle fonctionne de la même manière, sauf qu’au lieu de stocker des informations dans des serveurs privés, elle se sert de ses utilisateurs pour faire fonctionner son réseau. La blockchain n’est ni plus ni moins qu’une toile où chaque transaction constitue un fil, et chaque validateur constitue un moyeu nécessaire à l’articulation de cette toile. La blockchain c’est comme internet, sauf que c’est nous les serveurs. D’un point de vue technique, et parce que mes compétences s’arrêtent ici, un schéma pourrait permettre de mieux se rendre compte du fonctionnement de la blockchain :

III – Quelle réglementation ? 

Actuellement : aucune. Sur un plan national, la question blockchain soulève de nombreuses questions juridiques sur des pans du droit aussi nombreux que variés : tant sur le droit de la propriété intellectuelle (notamment dues à l’essor des token non-fongibles, sujet qui mériterait un article à part entière) que sur le droit de la preuve (une transaction répertoriée sur la blockchain constitue-t ‘elle une preuve suffisante de paiement?) en passant par le droit de la distribution (la blockchain est-elle un réseau de distribution?). Et pour l’instant, peu de réponses ; seul la CNIL s’est prononcée sur la question de la blockchain, admettant qu’elle ne posait a priori aucun problème vis-à-vis de la vie privée (mis à part en ce qui concerne l’exercice du droit à l’effacement des données personnelles, l’un des principe du RGPD). Sur un plan européen en revanche, la question paraît davantage prise au sérieux ; en La blockchain : l’avènement de l’internet 3.0? 2016, le parlement européen a autorisé la création d’un groupe de travail supervisé par la commission européenne afin de garder à l’œil la blockchain et les crypto-monnaies, avec pour finalité d’émettre des recommandations législatives. L’ouverture de cette commission fait sens, le législateur européen s’étant déjà placé au premier rang dans la juridicisation du commerce en ligne dans sa directive du 8 juin 2000 ; il ne devra cependant pas tarder à agir concrètement s’il ne veut pas se faire dépasser par les événements, le fantôme des GAFAM rôdant toujours dans l’hémicycle de Strasbourg.

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