La cession et l’apport d’un fonds de commerce sont deux modalités de transmission d’entreprises couramment utilisées. La différence de traitement fiscal entre la cession d’un fonds de commerce au bénéfice d’une société ou l’apport de ce fonds à cette même société tient au montant total des droits de mutation dus à l’issue de ces opérations.
Qu’est-ce qu’un fonds de commerce ?
Le fonds de commerce est une notion juridique désignant un ensemble d’éléments corporels et incorporels que le commerçant exploite dans l’objectif d’exercer son activité commerciale.
En ce sens, un fonds de commerce comprend des éléments corporels, tel :
- Des biens matériels,
- Les locaux commerciaux,
- Le matériel ou l’outillage nécessaire à la réalisation de l’activité commerciale,
- Les stocks de marchandises destinées à la vente.
Ce dernier compte également des éléments incorporels :
- La clientèle qui représente l’ensemble des clients habituels ou potentiels qui fréquentent l’établissement.
- Le droit au bail définit comme le droit d’occuper les locaux commerciaux.
- Le nom commercial, le nom sous lequel le commerçant exerce son activité.
- L’enseigne qui est le signe distinctif apposé sur l’établissement.
- Les droits de propriété industrielle comprenant les marques ou encore les brevets détenus.
Ainsi, le fonds de commerce est un bien meuble incorporel, c’est-à-dire un bien qui n’est pas rattaché au sol et qui peut être cédé ou faire l’objet d’un apport en société.
La cession de fonds de commerce et droit d’enregistrement
Qu’est-ce qu’une cession d’un fonds de commerce ?
La cession d’un fonds de commerce désigne la transmission de ce dernier à titre gratuit ou onéreux d’un propriétaire à un autre. Néanmoins, il est à noter que lorsque la cession d’un fonds de commerce se fait à titre onéreux, c’est-à-dire le plus fréquemment en échange d’une somme d’argent, cette dernière doit présenter un prix déterminé ou tout du moins déterminable en vertu de l’article 1591 du Code civil.
Par la suite, on évoque les termes de « cession » ou de « mutation » du fonds de commerce, lorsqu’il y a transmission des éléments qui le constituent, d’un propriétaire à un autre.
La cession du fonds peut s’effectuer à titre onéreux donc comme une vente, ou alors à titre gratuit telle la donation.
Les droits d’enregistrement en cas de cession de fonds de commerce
Dans le cas où la cession se fait à titre onéreux, cette dernière sera sujette au paiement de droits
d’enregistrement.
En ce sens, la cession d’un fonds de commerce est soumise aux droits de mutation à titre onéreux en vertu de l’application de l’article 719 du Code général des impôts. Les dispositions en vigueur précisent que les cessions de fonds de commerce, de clientèles commerciales et civiles ainsi que celles de certaines conventions assimilées sont soumises aux droits d’enregistrement.
Ces droits d’enregistrement sont calculés sur la valeur vénale du fonds de commerce, c’est-à-dire sa valeur de marché.
Ainsi, en vertu des conditions posées par le législateur, pour la cession de fonds de commerce d’un
montant total de l’opération inférieur à 23 000 euros, un montant fixe de 25 euros sera dû à
l’Administration fiscale.
Cependant, il convient d’affirmer que le calcul de ces droits s’effectue « par tranche » lorsque le
montant total de la cession se trouve être supérieur à 23 000 euros :
- Pour la fraction comprise entre 23 000 euros et 200 000 euros, le montant des droits dû sera de
3 % de la valeur totale de la cession ; - Pour la fraction supérieure à 200 000, le montant sera égal à 5 % de la valeur totale de la cession.
Il faut distinguer les transmissions de fonds de commerce à titre onéreux et les transmissions à titre gratuit. Celles à titre gratuit ne sont pas soumises aux droits d’enregistrement précédemment évoqués.
Ainsi, dans le cas d’une donation d’un fonds de commerce, aucun droit ne pourra être réclamé.
Les exonérations possibles aux droits d’enregistrement
Certaines cessions de fonds de commerce peuvent bénéficier d’exonérations de droits
d’enregistrement. Ces exonérations peuvent permettre de réduire le montant des droits dus.
En ce sens, on peut citer la transmission anticipée qui exonère sur 50 % du montant de la cession
lorsque le cédant a moins de 70 ans lors de la cession.
On peut également évoquer le dispositif du « pacte Dutreil » qui exonère sur 75 % du montant total
de la cession d’entreprise commerciale.
L’apport du fonds de commerce et droit d’enregistrement
En vertu de l’article 1832 du Code civil, les apports sont nécessaires afin de constituer une société.
Au sein de la typologie classique des apports en société, il convient donc de distinguer :
- Les apports en numéraire ;
- Les apports en nature ;
- Et enfin, les apports en industrie.
En ce sens, il est possible d’avancer qu’un apport de fonds de commerce à une société constitue un apport en nature.
Qu’est-ce qu’un apport en nature ?
Un apport en nature peut se définir comme la mise à disposition d’un bien autre qu’une somme
d’argent ayant pour objectif de servir la société dans son activité commerciale. Cela peut être un bien meuble ou immeuble dont la valeur peut faire l’objet d’une évaluation.
A titre d’illustration, des meubles ou du matériel de travail, un immeuble ou encore un fonds de
commerce peuvent faire l’objet d’un apport en nature. Il est possible d’avoir recours à un apport en
nature lorsque l’on souhaite : augmenter le capital social ou tout simplement apporter un bien lors de la constitution d’une société.
Cet apport bénéficie à la société mais également à l’apporteur qui se verra doté du statut d’associé
et attribuer des titres sociaux représentant une partie du capital social.
S’agissant d’un fonds de commerce, ce type d’apport en nature est soumis à un formalisme assez
strict. En effet, il est à noter que le délai de publicité de la réalisation de l’opération est fixé à 15 jours à compter de l’apport. Ce dernier doit faire l’objet d’une insertion d’un avis dans un journal habilité à recevoir des annonces légales. En outre, cet avis devra être publié au BODACC. A défaut de ces formalités, l’apport demeure valable. Cependant, les créanciers du fonds de commerce peuvent toujours déclarer leur créance sans voir le délai de prescription s’éteindre tant que l’opération ne fera pas l’objet d’un enregistrement.
Les droits d’enregistrement en cas d’apport de fonds de commerce
Dans le domaine fiscal, les apports sont imposés selon leur nature. En effet, l’impôt dû ne sera pas
le même s’il s’agit d’un apport à titre pur et simple ou à titre onéreux.
Le cas où le fonds est apporté à titre pur et simple
Pour qu’un apport soit qualifié d’apport à titre pur et simple, il faut que l’apporteur reçoive en
échange des droits sociaux soumis aux aléas de l’entreprise. Il s’agit là de l’apport classique du droit des sociétés.
Dans cette hypothèse, il convient de différencier 3 situations différentes :
- Lorsque l’apport à titre pur et simple est effectué par toute personne (morale IS ou non IS ou physique) à une société non IS.
- Lorsque l’apport à titre pur et simple est effectué par une personne physique ou une société non IS à une société IS.
- Et enfin, lorsque l’apport à titre pur et simple est effectué par une société IS à une autre société IS.
Dans le cas où l’apport à titre pur et simple d’un fonds de commerce est effectué par toute personne (morale IS ou non IS ou physique) à une société non IS, ce dernier est enregistré gratuitement. Aucun droit d’enregistrement ne sera à régler. On applique pleinement la théorie de la mutation conditionnelle des apports. Fiscalement, les apporteurs restent propriétaires des biens. Par conséquent, s’il y a un partage en cours ou en fin de société, les droits de mutation seront à régler si le bien est attribué à un associé autre que l’apporteur initial (CGI art. 810 III).
Dans le cas où l’apport à titre pur et simple d’un fonds de commerce est effectué par une personne
physique ou une société non IS à une société IS, ce dernier est soumis aux droits de mutation à titre onéreux (CGI art. 809, I 3°). Par exception, il est possible d’appliquer la théorie de la mutation
conditionnelle des apports si l’apporteur prend l’engagement de conserver les titres (issus de cet apport) pendant au moins 3 ans (CGI art. 810, III).
Dans le cas où l’apport à titre pur et simple d’un fonds de commerce est effectué par une société IS
à une autre société IS, ce dernier est enregistré gratuitement. Aucun droit d’enregistrement ne sera à régler. Par dérogation, il convient d’affirmer que les droits de mutation restent applicables lorsqu’un bien précédemment reçu en apport et enregistré gratuitement est apporté à nouveau à une autre société passible de l’IS (CGI art. 809, 1 3°)
Cependant, il reste à affirmer que l’Administration fiscale peut requalifier l’apport en vente si elle
estime que l’opération a été réalisée dans le seul but d’obtenir une économie fiscale. Dans ce cas, l’apport sera soumis aux droits de mutation à titre onéreux.
Le cas où le fonds est apporté à titre onéreux
Si l’apport est soumis à une contrepartie, un équivalent ferme et actuel soustrait pour l’entreprise,
ce dernier constitue un apport à titre onéreux. Il est donc assimilé à une mutation à titre onéreux. En outre, un apport qui est grevé d’un passif est considéré comme un apport effectué à titre onéreux (apport mixte).
Dans le cas où le fonds de commerce est apporté à titre onéreux, il convient d’appliquer le principe
selon lequel ce dernier sera contraint de se voir appliquer les droits de mutation identiques aux
dispositions applicables en termes de cession de fonds de commerce. Dans cette hypothèse, l’article 719 du Code général des impôts définit le mode d’imposition des cessions de fonds de commerce en termes de droits de mutation à titre onéreux. Ainsi, concernant l’apport à titre onéreux d’un fonds de commerce à une société, cette dernière est soumise au tarif proportionnel par « tranches ».
Une exception reste toutefois à spécifier. Ainsi, l’apport (qu’il s’agisse d’un fonds de commerce ou non) par une personne physique de l’ensemble des éléments d’actif immobilisé effectués à l’exercice professionnel avec prise en charge du passif par la société est exonéré de droit de mutation à titre onéreux à la condition qu’un engagement soit pris par apporteur de conserver les titres pendant au moins 3 ans (CGI art. 809, I bis et art. 810 III).
La solution la plus avantageuse fiscalement
Pour conclure, l’économie d’impôt dépendra entièrement de la situation dans laquelle se trouve l’apporteur.
Ainsi, si la valeur du fonds de commerce est inférieure à 23 000 euros alors la cession s’avère être
la solution la plus simple et économique. En effet, il n’y aura que 25 euros à régler au titre de droit de mutation à titre onéreux.
Cependant, si la valeur du fonds de commerce excède 23 000 euros, l’apport de ce fonds apparaît
plus intéressant fiscalement. En outre, si l’apporteur est une personne morale (IS ou non IS) ou physique qui apporte ce fonds à une société non IS alors l’apport à titre pur et simple sera exonéré de droits d’enregistrement. La réponse sera similaire en cas d’apport de ce même fonds de commerce par une société IS à une autre société IS.