Le Copyright est souvent perçu à tort comme une simple traduction anglaise du droit d’auteur, et une majorité de personnes pense que ces deux concepts sont consubstantiels. Pour autant, ce sont deux notions distinctes, dont les divergences relèvent d’une scission entre deux manières d’appréhender les enjeux de la propriété intellectuelle. En quelques mots, il s’agit donc d’une part de dresser une distinction entre ces deux notions, et d’autre part de comprendre en quoi cette différence témoigne d’une opposition entre deux visions.
I – Une distinction faite par le mécanisme de protection
A – Le droit d’auteur : La sacralisation de la qualité d’auteur
Comme son nom le suggère, l’auteur est au centre de cette notion. De ce fait, le droit d’auteur est défini en droit français par l’article L 111-1 du Code de la propriété intellectuelle, qui dispose que :
“l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous”.
De ce fait, la protection du droit d’auteur et le statut d’auteur sont inextricablement liés. Le droit d’auteur semble s’imposer de manière automatique sur une œuvre, à condition qu’elle soit originale et dite de l’esprit. Ce droit découle de la création. Premièrement, cela permet une automatisation du droit d’auteur, qui ne nécessite aucun dépôt pour être effectif et ne dépend d’aucun formalisme. En outre, cela permet un champ d’application plus large, car sans dépôt, un support matériel n’est donc pas nécessaire.
Pour illustrer cela, La Convention de Berne, en son article 2, indique que sont considérées comme des œuvres “les conférences, allocutions, sermons et autres œuvres de même nature”.
De plus, même des œuvres éphémères telles que des structures de glace sont susceptibles d’être protégées par ce même droit. Enfin, ce lien entre la protection et l’auteur implique nécessairement un caractère personnaliste : l’auteur est nécessairement une personne physique. Il semble inconcevable qu’une personne morale détienne d’une quelconque manière la qualité d’auteur, sauf quelques rares exceptions comme celle de l’œuvre collective, car une œuvre qualifiée d’originale ne peut qu’être le fruit d’une personne physique. S’ajoute à cela le fait que le droit d’auteur peut être assorti de droits moraux.
Ces droits moraux ne sont pas systématiques et donc ne sont pas uniformes. Pour illustrer cela, en France, il y a le droit de divulgation qui est conféré à un auteur.
En somme, l’auteur a seul le droit de divulguer son œuvre, en vertu de l’article L 121-2 du Code de la Propriété intellectuelle. Enfin, cet auteur peut céder ces droits, notamment à titre onéreux. Ainsi, le droit d’auteur tourne autour de la qualité d’auteur, qui demeure le point de départ d’une protection.
B – Le copyright : Une mission de protection de l’œuvre
Le copyright est une notion issue des pays de Common Law, d’où le fait qu’est employé un terme issu de l’anglais. Le copyright est une notion connue, notamment du fait de son symbole notoire : ©.
Malgré la présence récurrente de ce symbole dans notre environnement, le copyright en droit français n’a pas de pouvoir juridique, il est simplement présent à titre informatif. En effet, cette protection ne dispose pas du même régime que celui du droit d’auteur, en ce que le copyright n’a pas comme référence l’auteur, mais l’œuvre en elle-même. Cela se traduit de plusieurs manières.
En premier lieu, le copyright n’est pas automatique, il ne découle pas de la création. En effet, pour protéger une œuvre, il est nécessaire de faire une procédure de dépôt à une autorité compétente pour en protéger.
Par exemple, en droit américain, il est nécessaire d’effectuer le dépôt de l’œuvre auprès de l’US Federal Copyright Office, de la même manière qu’un brevet. De plus, cette distance mise entre l’auteur et l’œuvre permet à d’autres acteurs, comme l’éditeur de se prévaloir du copyright. Il en découle que les personnes morales peuvent effectivement se prévaloir d’un copyright sur une œuvre. De plus, cette exigence de dépôt réduit le champ d’application du copyright.
En effet, un dépôt nécessite un support matériel, donc un écrit ou un objet, cela amène une interprétation restrictive des œuvres qui peuvent se voir protéger par un copyright. Enfin, le copyright, se référant à l’œuvre uniquement, n’implique de fait aucun droit moral accessoire. Ce modèle est très donc très différent de celui du droit d’auteur, notamment en ce que tout s’articule autour de la protection de l’œuvre, plutôt que de l’auteur.
II – Une distinction témoignant d’une différence de conception du droit
A – L’évolution du droit d’auteur : Une surprotection de l’auteur progressivement établie ?
Le droit d’auteur est né au Moyen-Age, en parallèle de l’imprimerie. A l’origine, le droit d’auteur n’était pas tant différent du copyright. Concrètement, l’idée était simplement d’interdire la copie de certaines œuvres. Les différents pays européens se sont saisis de ce mécanisme afin de le faire évoluer. Par exemple, en France, cette protection était un privilège accordé par le Roi, comme a pu en obtenir notamment le poète Ronsard pour “Les Odes”.
C’est suite à la Révolution française qu’apparaît un prototype du droit d’auteur tel que nous le connaissons, droit qui fera l’objet d’une propagation dans d’autres pays européens. La propriété intellectuelle devient un sujet majeur, et c’est en ce contexte et face aux divergences de points de vue qu’est signée la notoire Convention de Berne en 1886.
Cette convention pose les bases de la propriété intellectuelle. En clair, elle permet à tout auteur de voir ses droits respectés à l’échelle internationale, en obligeant chaque État signataire à tout mettre en œuvre pour faire en sorte que ça le soit. Elle ne fait toutefois pas une définition stricte du droit d’auteur, laissant une marge d’appréciation pour les États signataires, ce qui laisse les États de droits d’auteur apprécier le champ d’application de ce droit, notamment en assortissant le droit d’auteur de droits moraux ou non.
Toutefois, cette protection très élargie octroyée par le droit d’auteur est parfois critiquée, notamment en ce que cela amènerait, pour une petite part de la doctrine et d’acteurs politiques, à une tyrannie des grands groupes, pouvant exercer un monopole économique des créations de par une détention sans partage des droits d’auteur.
En cela, certains auteurs souhaitent une “abolition des droits d’auteurs”, idée qui se retrouvent dans certaines propositions d’élus de différents partis, notamment parmi des adhérents du parti communiste mais aussi d’auteurs catégorisés comme libéraux tels que Michele Boldrin, un élu italien qui a publié un article s’intitulant “The Case Against Intellectual Property”, s’opposant au sein de celui-ci au principe même du droit d’auteur. Ainsi, des critiques de toute part émergent à l’encontre du droit d’auteur.
B – Le copyright : Une vision économiste de la matière juridique
Le Copyright est un produit issu de la Common Law. Tout d’abord, l’ensemble des pays appliquant le copyright ont signé la Convention de Berne de 1886. En cela, ces États partagent tout de même certains fondements quant à la protection de la propriété intellectuelle. Le copyright est né aux États-Unis, de par la signature de Patent Act of 1790 et est le reflet même de la société capitaliste américaine.
En effet, la logique diffère en ce que le copyright a pour but de protéger l’œuvre plus que l’auteur, en témoigne la traduction du terme, étant littéralement “droit de copie”. Ainsi, les arguments à la naissance du copyright sont avant tout économiques, il est ici un outil juridique au service de l’économie ayant le but de favoriser le marché et n’a pas la portée presque philosophique qu’on pourrait attribuer au droit d’auteur.
C’est cette différence dans la manière de percevoir ce que le droit d’auteur devrait être qui est à l’origine des divergences des deux notions. Toutefois, cette distance prise avec l’auteur n’est pas exempte de critique. En effet, Une partie de la doctrine estime que cette distance piège l’auteur, qui se retrouve lésé dans ses droits, notamment du fait que le copyright puisse appartenir à une multitude d’acteurs, comme l’éditeur. En cela, ils ont un pouvoir sur l’œuvre ce qui implique la capacité de la modifier. Ainsi, l’auteur est un statut parfois précaire dans les pays dits de copyrights, comme l’illustre l’action intentée par Paul McCartney contre Sony afin de récupérer le copyright. En effet, étant donné qu’il n’a jamais eu les droits de copyright sur certaines de ses chansons, il était dans l’obligation de rémunérer Sony s’il souhaitait les chanter ses propres œuvres lors de concerts. Cette affaire est la représentation parfaite des limites engendrées par la protection par copyrights.
Ainsi, le droit d’auteur et le copyright semblent s’opposer en tout. Les deux modèles présentent autant de défauts que de qualités, aucune de deux ne semblent donc parfaites et est donc sujets à de vives critiques. Plus qu’une simple opposition, le copyright et droit d’auteur peignent le portrait de deux mondes différents, de deux philosophies antinomiques.